LoveCon T1 - Kieran

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LoveCon T1 - Kieran

LoveCon T1 - Kieran

Kendall L. Reagan


1. Prologue

Prologue.

Les ombres dansent en clair-obscur sur les murs et jouent au chat et à la souris avec le soleil, encore bien caché derrière les épais rideaux qui ornent les fenêtres de la chambre. Les respirations sont douces, calmes, régulières, et le simple froissement des draps ne parvient pour le moment pas à tirer du sommeil l’une des silhouettes lascivement endormies. Les jambes sont emmêlées, n’éprouvant aucune envie de céder le moindre indice au sujet de leur propriétaire. Lorsque les paupières s’ouvrent, laissant les pupilles bicolores s’habituer au peu de luminosité, l’astre a déjà pris toute sa place dans le ciel. Les oiseaux ne chantent plus, mais la mélodie étouffée des klaxons et de la civilisation arrive à leurs oreilles.

Une main se lève, effleure les cheveux marron, la pulpe de ses doigts frôlant la peau hâlée d’un bras découvert. Les draps bougent légèrement et le murmure d’un bruissement remplit la pièce. Le temps passe jusqu’à ce que le possesseur de la tignasse brune ne chasse d’un geste la fatigue sur son visage, s’éveillant pour observer l’homme face à lui. Les regards s’accrochent en silence, semblent se demander si tout est bien réel, s’ils ne rêvent pas. Une dextre sombre remonte le long d’un bras, cajole l’épiderme tendre et retombe doucement sur son torse pour dessiner peu à peu les différents muscles habilement sculptés de son propriétaire. Lorsqu’il redresse le nez, leurs bouches se rejoignent dans un baiser hésitant, maladroit.

D’abord singulier et délicat, il se multiplie et finit par s’approfondir, les langues se mêlant l’une à l’autre pour se découvrir, se goûter. Ils frissonnent de concert et l’homme aux yeux bicolores frôle la chevelure de son ami pour quitter ses lèvres, descendant petit à petit dans son cou pour mordiller sa carotide. Il arrache un léger murmure à son compagnon dont les mains se sont aventurées dans son dos et caressent la moindre parcelle de peau avec impatience, comme s’il craignait que tout s’envole. Les lippes se faufilent derrière son lobe d’oreille, dans une zone qui l’avait clairement rendu fébrile lors de leur dernier échange. Tandis que l’une de ses jambes se glisse entre celles du châtain pour effleurer du genou le membre déjà gonflé de désir de son amant.

Les soupirs et les gémissements ont à peine empli la pièce au moment où la sonnerie stridente d’un téléphone portable brise l’instant. Dans un premier temps dévoué à sa tâche, le roux décide d’ignorer les bips agaçants de son appareil. Lorsqu’il résonne pour la troisième occasion, anéantissant tout espoir pour leur moment de douceur, le brun repousse à contrecœur l’homme d’une main sur son torse, dans une consigne silencieuse afin qu’il réponde. Il s’exécute.

— Putain Bree ! s’exclame une voix bourrue au bout du fil. Ça fait trois fois que je t’appelle !

— Et trois fois que je t’ignore. Je suis occupé.

— Allume la télé.

— Cole, si tu m’appelles juste pour me faire mater une pub de merde, je te jure que je vais te foutre un coup de pied au cul avec tellement de force que tu pourras plus t’asseoir pendant au moins six semaines.

— Bree. Allume cette foutue télévision, souffle la voix dont les vibrations anxieuses suffisent à le mener à abdiquer.

Quittant la chaleur réconfortante des draps, Bree se lève à la recherche de la télécommande. Son compagnon l’observe faire sans un mot, ayant pris place sur le bord du matelas. Lorsque le placard s’ouvre pour découvrir un écran plat hors de prix, il hausse légèrement un sourcil en essayant de contenir l’appréhension qui pointait dans sa poitrine. La lumière éclaire finalement la pièce et leurs deux cœurs cessent de battre à l’unisson quand ils voient leurs visages en gros plan sur une chaîne people.

— Putain de merde.

— T’as bien fait de répondre, hein.

— Ta gueule Cole. Ça fait combien de temps que ça passe ?

— J’en sais rien, je viens d’allumer.

— Putain, putain, putain.

— Bree. Calme-toi. Appelle Aldo, Madeline ou peu importe lequel des membres de ton équipe qui peut gérer cette merde.

— Ouais, j’vais faire ça. Salut.

Après avoir raccroché, Bree demeure figé devant l’écran et le bandeau rouge qui défile. Une photo d’eux, s’embrassant à l’avant d’une voiture qu’il aurait reconnue entre mille et ces mots : « Bree Tucker, la star de Small People, en couple avec un homme ? »

— Je dois appeler Aldo.

— Je dois partir.

— Quoi ?

Je peux pas rester là.

Quittant le lit avec précipitation, Kieran se cramponne de justesse au mur en se cognant le genou au passage et attrape ses vêtements. Il sent l’angoisse monter petit à petit, il n’est pas préparé à ça. Il ne veut pas voir son visage étalé dans les journaux à scandale, ne veut pas voir leur histoire réduite à un coming out puant d’un acteur vedette.

— Kieran.

Le murmure ne le fait pas s’arrêter. Il récupère sa chemisette et ses chaussettes, part ensuite à la recherche de son boxer. Il s’agace de ne pas réussir à le trouver. Bree l’attrape par les épaules et le force à quitter son état de transe pour fixer son regard dans le sien.

— Kieran !

Son prénom finit de le ramener les pieds sur terre et il serre les poings sur ses vêtements tandis que son amant glisse ses mains sur ses joues. Il prend son visage en coupe pour l’empêcher de s’enfuir.

— On va trouver une solution. Tout ira bien.

***

**

— Okay, on va faire deux équipes. Moi, je pars avec Kieran pour gérer les choses s’il se fait suivre ou que ça tourne mal. Bree, tu t’en vas solo. Tu conduis jusque chez ton frère, ta sœur, ton ex… ou peu importe où tu arrives tant que tu les sèmes. Je suis venue avec une voiture identique à la tienne, on plie bagage en premier et ça te laisse du répit pour t’enfuir.

— Et nous ? souffle la voix de Kieran, empreinte d’inquiétude.

— Nous, on va direct à l’aéroport et tu prends le premier avion pour Londres. Tu te planques chez toi le temps que ça se tasse. Ils ont ta photo, mais ils ne savent pas encore qui tu es, tu devrais être tranquille un moment.

— Je n’ai pas envie de rentrer à Londres ! objecte-t-il en se levant d'un mouvement brusque.

Son visage est rongé par un maelström d’émotions contradictoires. Bree pose une main sur son bras et lui offre un sourire contrit.

— Je te rejoins dès que je peux quitter le pays sereinement.

— Mais… proteste-t-il en se tournant vers Bree.

— Écoute Madeline, Kieran. Elle sait ce qu’elle fait.

— Mais, si l’on part de LAX personne ne va nous foutre la paix ! s’exclame-t-il en se dégageant de l’étreinte de Bree.

— Voilà pourquoi on va rouler jusqu’à San Diego en espérant les semer avant d’arriver sur l’autoroute, explique la jeune femme en ramenant ses cheveux en arrière.

— C’est de la folie Aubrey…

— Ça va marcher, affirma-t-il avec un aplomb qu’il voulait sans faille.

Kieran n’a pas de doute quant à la faisabilité de ce plan, il n’a jamais aimé être au centre de l’attention. Se retrouver aujourd’hui à la une des tabloïdes était loin d’être dans ses objectifs et il se demande s’il a sa place au cœur de cette histoire. Il porte son pouce à ses lèvres, grignotant les peaux déjà bien abîmées autour de son ongle. Bree s’avance et le serre contre lui, déposant un baiser sur sa tempe pour tenter de le rassurer. Sa poitrine tremble sous les assauts de son organe vital, et Bree cherche le regard de la femme qui va résoudre la situation pour la remercier d’un sourire distant. Si Madeline n’avait pas été là, il ne sait pas comment il aurait pu prendre les choses en main. Il croise son reflet dans le miroir et découvre sans surprise une mine pâle et des traits tirés par l’inquiétude.

***

**

Les pneus crissent devant l’entrée des urgences et à peine la voiture s’est-elle immobilisée que Kieran en saute, laissant la conductrice se débrouiller avec le véhicule. Paniqué, il se présente à l’accueil de l’hôpital de Phoenix en demandant où était Aubrey Tucker. La jeune infirmière au bureau l’observe avec méfiance et lui explique qu’ils n’ont personne sous ce nom. L’échange continue plusieurs minutes durant lesquelles Kieran hausse petit à petit la voix. Madeline intervient en arrivant derrière lui, soufflant qu’ils voulaient voir Barry Lawson. Après une œillade remplie de défiance, la soignante leur indique le numéro de chambre alors que Kieran lui jette un regard agacé.

— Barry Lawson ?

— Un alias.

— Pour quoi faire ?

— Parce que Bree est connu, mon petit. Et que si l’on donnait son vrai nom dans les hôtels où il séjourne, il n’aurait jamais la paix. Je ne t’apprends rien...

— Bien sûr que tu ne m’apprends rien, mais pourquoi même dans un hôpital il aurait besoin de ça ?

— Parce que les fans tarés ne s’arrêtent pas aux portes d’un centre médical.

Oui, il le sait déjà. Bree n’est pas le premier ni le dernier acteur à prendre un pseudonyme pour avoir le calme.

Kieran suit Madeline dans les étages de la clinique de Phoenix en étudiant chaque numéro de chambre avant de trouver celui qui enferme son amant. De l’autre côté de la vitre, la silhouette accidentée de Bree gît sur le lit d’hôpital, entouré d’un grand gaillard aux cheveux longs et d’une petite femme tout aussi rousse. Madeline pose la main sur la porte et l’observe, interdite. Elle regarde l’intérieur de la pièce à travers la glace, puis Kieran à nouveau.

— Tu viens ? murmure-t-elle alors qu’une larme roule sur la joue du jeune homme.

— Comment on en est arrivé là… ?

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