J’ai écrit beaucoup de chansons d’amour. Depuis plus de trois ans, j’aurais voulu sortir des albums, mais les éditeurs de musiques que j’ai trouvés sur le site de la SACEM dans le répertoire des œuvres et dont j’ai noté chaque nom, chaque prénom, chaque adresse, chaque numéro de téléphone ne veulent pas me répondre quand je les appelle. J’ai beau leur expliquer que je m’appelle Cyril, que j’ai vingt-sept ans et que j’habite à Beaurains, au 41, avenue des Pyrénées, que je suis auteur de chansons, compositeur de musique électronique, dance et de bien d’autres styles, et interprète, je tombe à chaque fois sur la même boîte vocale préenregistrée qui me dit de bien vouloir laisser mon message après le bip :

— Bonjour, je m’appelle Cyril Van Eeckhoutte, j’ai vingt-sept ans et j’ai trouvé votre numéro de téléphone sur le site de la SACEM, dans le répertoire des œuvres musicales. Je suis auteur, compositeur et interprète et j’aimerais obtenir ne serait-ce que votre adresse e-mail afin de vous montrer toute l’étendue de mon talent en vidéo, puisque c’est moi qui réalise et mets en scène tout mon spectacle (si on peut appeler cela un spectacle). Mon rêve – puisque tout le monde en a un – serait de me produire dans les plus belles, les plus grandes salles de spectacles du monde. À commencer par le Casino d’Arras qui a bercé toute mon enfance, de mes six ans à mes douze ans et demi. J’ai fait de la danse classique et du modern jazz à l’école municipale de danse de Beaurains, près d’Arras, ma ville natale. J’étais le chouchou de ma professeure et chorégraphe, Vanessa Marelle qui est entre autres, la fille de l’ancien maire de ma ville Monsieur Jean-Luc Marelle. J’ai gardé les photos de mon gala de danse classique et modern jazz dans des albums photo rangés dans l’armoire de mon ancienne chambre d’enfant et d’adolescent, transformée en bureau à l’heure actuelle. J’ai gardé aussi toutes les cassettes audio et vidéo de mes galas de danse classique, mais aussi d’un stage de danse classique que j’ai effectué les 27 et 28 octobre 2001, avec Monsieur Charlie Lemoine. Il est lui aussi professeur et chorégraphe de danse classique. J’ai d’ailleurs essayé de le recontacter en message privé sur un célèbre réseau social. Il fut ravi d’avoir de mes nouvelles presque dix-sept ans plus tard. J’ai vu qu’il avait un fils aussi charmant, moi qui aime les hommes. J’ai rangé la cassette où je l’avais trouvée, en haut de l’armoire de mon ancienne chambre, puis j’ai retrouvé une autre cassette, juste en dessous. Il s’agit du gala de danse des 29 et 30 juin 2002, à l’école municipale de Beaurains, et sur laquelle je vois deux petites danseuses classiques. L’une des deux fillettes est vêtue d’un tutu bleu ciel, elle semble vouloir dire quelque chose à l’oreille de sa petite sœur, vêtue d’un tutu rose bonbon. Elles se trouvent sur une scène devant un grand rideau bleu. La photo est ovale, réalisation : Luc Legrand, chasseurs d’images artésiens, PTT. J’ouvre la boîte, à l’intérieur il y a une cassette sur laquelle est écrit : « École municipale de danse de Beaurains - Gala du 30 juin 2002 - VHS pal - durée deux heures cinquante minutes ». C’est bien long ! me dis-je. J’aurais tant aimé revoir le petit Cyril dansant sur la scène du Casino d’Arras à cette époque. Cela devait être un dimanche, à quinze heures je pense, comme chaque année où je faisais de la danse. Mon regard se tourne alors vers une affiche très colorée sur laquelle est écrit en rouge, en relief et en majuscules : « Les trophées de la jeunesse, 6e édition, samedi 21 janvier 2017, vingt heures, au Casino d’Arras ».