La Justice du Dragon

/ 1. Livre 1 : Chapitre 1 0%
La Justice du Dragon

La Justice du Dragon

Bruce Sentar


1. Livre 1 : Chapitre 1

Avez-vous déjà eu l'impression qu'il y avait quelque chose en vous qui vous poussait à agir ? Une sorte de bête endormie au plus profond de vous. Je sais, cela peut paraître fou. Mais c'est la meilleure façon de décrire ce que j'ai ressenti pendant longtemps. Je pensais que c'était normal, qu'il s'agissait d'une partie animale du cerveau humain, issue de l'évolution. Mais voici comment j'ai appris que je n'étais pas tout à fait humain, et qu'il existait un monde en dessous du nôtre, dans lequel vivaient tous les êtres de la nuit. Et que ma bête était bien réelle. Tout a commencé quelques semaines après le début de ma première année d'université. Je rangeais mes notes dans mon sac après le cours C302. La chimie organique s'annonçait difficile, et je n'avais couvert qu'une seule semaine de cours. Les sièges rabattables de l'amphithéâtre se rétractaient dans un concert de bruits et tout le monde se dépêchait de sortir de la classe. Les pieds tapaient sur les dalles de linoléum bon marché, blanches avec des éclaboussures noires, pour cacher les marques d'éraflures qui les couvraient souvent. Je reléguais toutes les odeurs et sons en arrière-plan avant que le troupeau sans fin d'étudiants ne déborde mes sens. Mon professeur ne semblait pas comprendre que les modèles informatiques se chargeaient de tout le travail manuel qu'il exigeait de nous. Bien sûr, les fondamentaux étaient importants, mais c'est ce que couvrait le cours C301. J'étais plus que prêt à passer de la mémorisation par cœur à la phase d'application concrète. Mais je m'y attendais déjà à moitié la première fois que j’étais entré dans la salle et que j'avais vu le professeur. Le professeur Finstein était une relique du passé, et à la façon dont il se débattait avec ses diapositives PowerPoint, je me doutais qu'il n'était pas vraiment intéressé par l'enseignement des applications de modèles numériques. Il donnait l'impression d'utiliser encore une règle à calcul pour faire ses maths. Finissant de ranger mes dernières affaires dans mon sac, je me levais, lorsqu'une odeur me parvint et réveilla une fois de plus la bête qui sommeillait en moi. Du moins, c'est l'impression que j'avais. Une rousse portant une chemise moulante Kappa Phi Alpha passait devant mon allée, et la bête attira mon attention sur elle en essayant d'absorber son parfum. Je pris une inspiration, en veillant à le faire par la bouche plutôt que par le nez pour éviter son merveilleux parfum de clou de girofle et de vanille, et fis en sorte d'étouffer la bête. J'avais eu l'occasion de la sentir pleinement la semaine dernière, et il m'avait fallu la moitié de la journée pour la faire redescendre. Je n’avais pas l’intention de laisser l'idiot en moi avoir une autre occasion de la sentir. Je n'allais pas être un connard comme tous les gars du coin qui la draguait sans cesse. Les gens parlaient toujours avant les cours, et j'avais entendu dire que ceux qui l'approchaient se faisaient rembarrer sans ménagement. La bête grogna, contrariée par ma décision, mais je l'ignorai en roulant des yeux. Elle n'allait pas me dire ce que je devais faire de ma vie. Le besoin commença à s'affaiblir, et je mis le sac sur mon épaule, me dirigeant vers la sortie. Je m'étais habituée à faire face à la bête. Mes amis riaient souvent en parlant de se jeter sur les jolies filles, mais je n'avais jamais eu l'impression qu'ils se sentaient aussi motivés que moi pour passer à l'acte depuis l'adolescence. La bête ne me contrôlait pas, mais il était difficile de l'ignorer. J'avais consulté un médecin à ce sujet une fois, mais il voulait simplement me mettre sous des médicaments qui plongeraient toute ma vie dans le flou. Ils ne semblaient pas reconnaître le vrai problème, mais voulaient simplement me transformer en pseudo-zombie et appeler le patient suivant. C'était une lutte, que je gardais silencieuse la plupart du temps. Cependant, la bête, comme j'appelais affectueusement mes pulsions, n'aimait pas se taire. C'est pourquoi je devais souvent me battre pour la soumettre et pouvoir vivre ma vie normalement. Et même si je la contrôlais la plupart du temps, je devais encore travailler avec elle si je voulais terminer mon diplôme et entrer en école de médecine. C'était un équilibre entre moi et la bête. Mon téléphone sonna soudain dans ma poche. MEC ! Maddie a accepté d'aller au bar avec nous ce soir. S'il te plaît, dis-moi que tu peux venir ? Frank, mon colocataire, et Maddie, notre amie depuis la première année, étaient sur le point de sortir ensemble. Frank l’avait épuisé au fur et à mesure de ses presque rendez-vous. Ils formaient un couple des plus étranges. Frank était un coureur de jupons en série, et Maddie une intello discrète. Pourtant, il était Achab et elle était sa baleine blanche. Il était fou d'elle. Je craignais que Frank ne passe à autre chose en un clin d'œil après avoir enfin obtenu ce qu'il recherchait depuis près de deux ans, mais j'avais laissé mes opinions à la porte. C'était leur relation. J'avais au moins mieux dormi pendant qu'il la poursuivait. Les murs étaient fins entre nos chambres. Pas de problème Frankie. Je viens de finir mon dernier cours de la journée. On se voit à l'appartement. J'appuyai sur le bouton "envoyer" et traversai le campus en empruntant les trottoirs en ciment au milieu des pelouses. Le campus lui-même était un joyau de verdure comparé au reste de Philadelphie. L'horizon de la ville se profilait à l'arrière-plan, un léviathan industriel en pleine effervescence. Mais la ville et le campus auraient tout aussi bien pu être deux mondes différents, simplement séparés par une rue. Nos appartements se trouvaient à l'est du campus, le long du bâtiment des affaires. Dans l'ensemble, ils faisaient partie des bâtiments les plus récents, ce qui les rendait très recherchés, en particulier par les étudiants en commerce. Cela ne me convenait pas vraiment car j'étais étudiant en médecine, mais j'aimais bien que ce soit le côté le plus calme du campus. La rue des bars traversait également le campus de part en part, du côté ouest. Les bâtiments scientifiques se trouvaient à proximité. C'était un avantage appréciable après un examen nocturne. Me faufilant à travers le campus, je pris le chemin de mon appartement. Le fait d'avoir terminé ma journée et de pouvoir me lâcher un peu me fis allonger ma foulée, alors que j'esquivais les masses et que je me précipitais vers le bas de l'escalier. Le seul avertissement que je reçu fut un cri chancelant et le claquement des pneus de vélo qui descendaient les marches derrière moi. Je pivotais sur un pied, dansant hors du chemin juste à temps pour me faire accrocher par le guidon d'un vélo qui descendait juste à l'endroit où je venais de me tenir.

Commentaires (1)

bluedysword

bluedysword

25/04/2024

bonne entrée en matière. l'histoire des pulsions est intriguante. attention, parfois, tu écris les accords -ée alors que ton protagoniste semble être un garçon.<br>Le décor de la fac est captivant et bien fait. ça donne un accès plus mature à l'oeuvre. Si j'ai bien compris, il a aussi une sorte de super-sens en plus de la bête.<br>Je pense qu'il serait mieux de mettre la conversation SMS avec des retours à la ligne bien degagée du reste de la narration. Peut-être en italique ou autre, cela dépend des possibilités sur cette plateforme.<br>bonne continuation, il y a plein de potentiel avec cette histoire et très belle couverture:)