Tant que tu restes
1. Chapitre 1
15 mars ~
Hmm ? Tiens ? C'est étrange... J'ai l'impression de me réveiller d'un rêve, mais... Je suis en train de marcher aux côtés de mes amies. Ce n'est pas possible, je devais être en train de rêvasser.
- Et toi, tu en penses quoi, Max ? me demande Alix.
Je secoue la tête pour me remettre les idées en place. J'essaie de me souvenir de quoi nous parlions, mais je n'en ai aucune stricte idée.
- À propos de quel sujet ? je demande.
- Tiens ? Ça ne te ressemble pas d'être ailleurs. Bref, on se disait que ce serait bien si on pouvait aller voir un film samedi puis aller faire un pique-nique au bord du fleuve sous les cerisiers pour fêter le printemps, tu n'es pas d'accord ?
C'est vrai que ça promet d'être amusant. Nous n'avons pas trop de devoirs pour la semaine prochaine alors pourquoi pas ? Je ne pense pas avoir prévu quelque chose avec ma famille.
- Ça me va, je leur réponds.
- Super ! Il ne reste plus qu'à choisir le film ! s'exclame Maya.
- On pourrait aussi préparer le pique-nique ensemble avant d'aller au ciné, propose Juliette.
- Désolé, je ne peux pas, à 8h je dois accompagner mon petit frère à son cours de karaté, fait Alix.
- Tant pis, on fera une liste plus tard alors.
C'est ça notre devise. Ensemble ou rien. Dès que l'une de nous ne peut pas, alors on annule. Nous continuons notre chemin jusqu'au lycée alors que mes amies parlent des tenues qu'elles vont bientôt s'acheter. Nous arrivons juste à l'heure et prenons nos places habituelles. Le cours se déroule normalement pendant une demi-heure, mais un imbécile qui n'en rate pas une fais irruption dans la salle de manière tout à fait inhabituelle.
Elmeth Spencer ouvre la porte sans toquer et passe devant le professeur en l'ignorant, alors que celui-ci s'est tu, abasourdi par son action. En plus, il n'a pas choisi le meilleur professeur pour faire une telle entrée. Déjà que M. Marin n'est pas connu pour épargner les retardataires, alors arriver sans toquer ET sans s'excuser, ce pauvre Elmeth va prendre cher. Je le plaindrais presque. Mais celui-ci continue de marcher et va s'asseoir dans le fond de la classe, à côté de la fenêtre. Le professeur se racle la gorge avant de commencer son sermon.
- Bien le bonjour M. Spencer. Puis-je savoir qui vous a autorisé à entrer dans cette pièce ?
- C'est la principale qui m'a dit que je pouvais malheureusement intégrer votre cours.
- Sauf que vous n'avez pas frappé, vous ne vous êtes pas excusé de votre retard et ne m'avez remis aucun billet. Dehors, retournez chez la principale.
Il sourit. Il a mené exactement le prof là où il voulait le mener. À chaque fois, ça se termine de la même manière. Il se lève et reprend son sac qu'il n'avait même pas pris la peine d'ouvrir.
- Oh non, je crois que le cours sera terminé quand je vais ressortir du bureau. Celui qui m'enverra le cours aura ma reconnaissance éternelle et une récompense dont j'ai le secret.
Il fait un clin d'œil à la classe avant de s'incliner et de sortir de la salle en laissant la porte grande ouverte. Une fois qu'il est sorti, toute la classe part dans un fou rire et un brouhaha s'installe. Jeanne et Maya, devant nous, se retournent pour nous dire à quel point ce gars est un imbécile. Je suis tout à fait d'accord avec elles. Le reste du cours se déroule normalement après que le prof a eu du mal à faire revenir le calme.
Lorsque la pause arrive, Elmeth n'a toujours pas été viré de l'établissement pour mon plus grand désespoir. Cette fois-ci, il n'éprouve pas le besoin de faire une entrée tonitruante, mais se dirige immédiatement vers nous dès qu'il nous repère. L'ayant remarqué, mes cinq amies se lèvent et m'entourent. Je souris, touchée par leur attention. Si seulement ce mur protecteur avait le pouvoir de dissuader, cela ferait longtemps qu'elles n'auraient plus à le faire.
- Alors ? Comment tu as trouvé ma prestation tout à l'heure ? Impressionnée ? me demande Elmeth.
Je laisse mes amies répondre et je continue ma lecture sur l'étude des courbes du marché de la bourse.
- Désolée, tu n'as pas reçu une seule once de notre attention, fait Lylia.
- Tu nous as même fortement dérangé, continue Alix.
Il pousse un soupir.
- Ce n'est pas à vous que j'ai demandé ça, poussez-vous et laissez-moi lui parler.
- Non, font-elles en cœur.
Il grommelle quelque chose puis s'en va. Une fois qu'il est assez loin, les filles se retournent et nous nous mettons à rigoler.
- Vivement qu'il te laisse tranquille, me fait Juliette.
- Je ne comprendrai jamais pourquoi il s'accroche à toi telle une sangsue, s'exclame Alix.
Je souris. Je ne peux pas leur dire, cela divulguerait mon seul secret, le seul que je ne puisse leur dévoiler. Ma famille est parmi les plus riches de cette ville, si ce n'est la plus riche, et je préfère ne le dire à personne, car mes parents s'efforcent de me faire vivre dans la plus grande norme, et je ne veux pas réduire leurs efforts à néant. Or, Elmeth est le seul à connaitre mon secret. En effet, son père est l'un des conseillers de mes parents.
Et évidemment, ils sont comme tous les parents qui ont des enfants, ils se les font rencontrer et jouer ensemble. Cela a duré jusqu'à nos onze ans, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte que nous faisions exactement l'inverse, que nous amuser tous les deux. Elmeth ne cessait de m'embêter comme un garçon embête une fille en primaire, et je le lui rendais bien. Bref, même mes meilleures amies ne doivent pas être au courant, sinon ce serait la catastrophe. Donc lorsqu'elles me posaient la question, je faisais mine de ne rien savoir, et pour l'instant, rien de bien grave n'est survenu.
Le reste de la journée se passe tout à fait normalement, pour mon bonheur, et la fin des cours arrive plus vite que je ne l'imaginais. Avec les filles, nous nous séparons à la sortie. Lylia et Jeanne doivent prendre un bus pour rentrer chez elles, alors qu'Alix, Juliette, Maya et moi pouvons faire un bout du chemin ensemble. Sur le chemin du retour, nous parlons du film de samedi et du printemps. Sérieusement, quelle belle saison. J'adore voir les fleurs pousser sur les arbres et entendre de nouveau le chant des oiseaux en me réveillant le matin.
Alix et moi nous séparons sur mon perron. Nous sommes presque voisines, c'est pour cela que nous nous connaissons depuis bien plus longtemps qu'avec les autres filles. Heureusement, elle n'est pas pour autant au courant que ma famille est très riche et pareille avec celle d'Elmeth. Pour Alix, ce n'est qu'un garçon qui m'embête depuis que nous sommes petites.
Une fois rentrée, je monte directement dans ma chambre pour m'attaquer à mes devoirs. Il n'y en a que très peu pour cette semaine et la prochaine, alors je les termine rapidement. Jusqu'au retour de mes parents, je lis des journaux sur la Bourse et des livres sur l'économie. Ensuite, j'aide mes parents à préparer le dîner. Lorsque nous mangeons, nous regardons également le journal TV. Une nouvelle en particulier retient notre attention :
« Les agressions sont de plus en plus fréquentes, nous pouvons en relever une centaine pour la semaine dernière dans notre chère petite ville de Mightown. Ces agressions sont perpétrées de jour comme de nuit et par de jeunes adolescents, principalement en groupes. Les personnes susceptibles d'être le plus visées sont les individus isolés, les enfants, les femmes et les personnes âgées. Nous vous recommandons par conséquent d'être accompagnés dans tous vos déplacements. Maintenant, passons à... »
Mon père coupe la TV. Je me retourne vers lui, étonnée par sa réaction. Généralement, ça ne lui ressemble pas d'arrêter le programme avant la fin. Ma mère non plus ne comprend pas son geste. Son expression est indéchiffrable jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche pour nous éclairer.
- Nous avons vu tout ce qu'il y avait à voir et nous avons presque terminé. Max, me fait-il, à partir de demain, tu te déplaceras partout avec au moins une personne capable de te protéger.
- Euh, d'accord, mais je pense qu'Alix suffira. Ils n'oseront pas s'attaquer à nous si nous sommes deux, je lui réponds.
Il a un instant de réflexion. Il ne va quand même pas demander à des agents de sécurité de me suivre jusqu'au lycée ? Finalement, il ne répond rien et nous terminons la soirée sur un jeu de société, comme à notre habitude. Ce n'est qu'en sortant le lendemain matin que je comprends le silence de mon père la veille.
- À en juger par ton expression, tu n'étais pas au courant, mais à partir de maintenant, je serais ton garde, ma chère Maxou, me fait Elmeth sur le pas de ma porte, droit comme un i.
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