une seconde chance

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1. La mort survint toujours lorsque l'on s'y attend le moins

Thomas avait vingt et un ans, il était en troisième année de médecine. Il se rendait à la fac comme tous les jours, les yeux dans le vide, se tenant fermement à la barre de maintient alors que le bus cahotait violemment sur des routes qui auraient grand besoin d'être refaites. Il y avait pas mal de monde dans le véhicule, des collégiens, des lycéens, des gens allant au travail. Le bus freina brusquement et il fut projeté en avant. Il pesta contre le chauffeur et se redressa tandis qu'il continuait à avancer vers la faculté de médecine, au grand regret de Thomas. Il n'était pas attiré par la médecine et il ne faisait pas ça non plus pour l'argent, c'était ses parents qui n'avaient cessés de répéter durant des années qu'il devienne médecin. Et il avait accepté. A vrai dire, il n'avait refusé aucune proposition de ses parents de toute sa vie. Sa mère voulait que sa couleur préférée soit le vert, sa couleur préférée était donc le vert. Son père voulait qu'il fasse du foot, il était donc passionné par ce sport. Il avait commencé à remarquer qu'il n'avait pas vécu pour lui mais plutôt pour ses parents. Quel choix était vraiment le fruit de ses envies ? Aucun. Pas un seul choix ne reflétait sa personnalité. Il n’avait même pas de personnalité, il n’était que ce que ses parents voulaient, l’enfant parfait, sage, souriant, calme, serviable et intelligent. Il n’était qu’une machine dirigée par ses parents. Il avait passé sa vie à essayer de satisfaire les désirs de ses parents, sans jamais que ses efforts ne suffisent. Il sentit une colère sourde l’envahir, il n’était pas une seconde chance pour ses parents. Il savait que sa mère a échoué au concours de médecine et lorsque lui, une trentaines d’années plus tard, réussi à obtenir une place au sein de la faculté de médecine, tout ce qu’elle a trouvé à lui dire c’était un « parfait » froid et sans intérêt. Mais ça ne l’avait même pas étonné, il avait l’habitude, toute sa vie, à chaque réussite, il n’avait jamais été félicité, on avait toujours approuvé son succès comme un général approuve le rapport d’un de ses soldats. Il lui avait fallut une vingtaine d’années pour comprendre qu’il n’était rien qu’une coquille vide alimentée par les attentes toujours plus exigeantes de ses parents. Les larmes lui montèrent au yeux en même temps que la haine affluait à son cerveau, il s’efforça de les ravaler tandis qu’une explosion inquiétante retentit. Le bus s’arrêta d’un coup. Cette-fois, il ne put se maintenir et bascula vers l’avant du bus avant de s’heurter à un siège qui heureusement était vide. Il resta un instant par terre, le temps que la douleur s’estompe, son dos le lançait douloureusement et sa tête tournait. Une fois qu’il eut retrouvé ses esprits, il remarqua qu’il faisait étrangement sombre, il tourna doucement sa tête afin de préserver son cou et vit que les fenêtres étaient condamnées par une montagne de gravats et débris de bâtiments. Soudain il comprit, le bâtiment d’à côté venait d’exploser, coinçant tous les passagers sous des monticules de poutres et de béton armé. Il se releva avec milles précautions et se dirigea vers le chauffeur qui était déjà assiégé par deux hommes en costumes et une femme portant un bébé dans les bras. Le cœur de Thomas se serra quand il vit que le nourrisson pleurait. Il constata que personne n’était gravement blessé, seulement quelques entorses et égratignures. Il arriva au niveau du groupe et demanda :

- Excusez-moi, avez-vous prévenus les secours ?

Le chauffeur, une petit homme replus avec un visage peu rassurant avec sa barbe mal taillée, le regarda d’un air lasse :

- C’est ce que je m’égosille à leur faire comprendre, on ne peut pas.

Thomas se figea tandis que la femme cria :

- Vous devez faire quelque chose ! On ne peut pas rester coincé ici !

Comme pour appuyer ses propos, le plafond du bus s’affaissa sous le poids de décombres, il ne tiendrait pas longtemps et pour couronner le tout, d’autres explosions se faisaient entendre au loin. Le plafond ployait un peu plus à chaque instant, les plus jeunes enfants blottis dans les bras de leur mère, commençaient à pâlir, Thomas eut de la peine pour eux, c’était effrayant de vivre ça à un si jeune âge. Il s’assied par terre à bout de souffle, l’air se faisait de plus en plus rare, ils allaient bientôt mourir asphyxiés si les secours ne venaient pas rapidement. Le plafond grinça de façon menaçante, un homme se leva et s’élança en courant contre la porte du bus. Le bruit qui retentit fit glacer le sang de tous les passagers, l’épaule s’était sûrement déboitée et la porte n’avait pas bouger d’un millimètre. L’homme tomba par terre en hurlant jusqu’à l’étranglement que le manque d’air provoquait. Le plafond s’affaissa encore un peu mais Thomas ne le remarqua même pas, le manque d’air lui brouillait la vue, il s’efforçait de prendre des grandes bouffées d’air, mais malgré lui, elles se faisaient de plus en plus petites. Il commençait à paniquer, d’ailleurs il n’était pas seul. Beaucoup de personnes s’étaient mises à trembler, d’autres étaient déjà aussi pâles que des cadavres, certains criaient tandis que d’autres regardaient dans le vide, les yeux vitreux comme si la mort leur avait déjà rendu visite. Thomas ne voulait pas mourir, il avait peur de la mort et il avait tellement de choses à accomplir ! Il venait seulement de se rendre compte qu’il n’avait pas réellement vécu et voilà déjà que la mort frappait à sa porte ! Le plafond commençait à se fissurer tandis qu’il criait intérieurement qu’il voulait vivre, qu’il voulait découvrir qui il était vraiment, qu’il voulait aller rendre des comptes à ses parents et leur satané déception. Mais malheureusement pour lui, toute la volonté du monde n’aurait pas suffi à empêcher le plafond de s’effondrer, tuant une trentaine de personnes et ne laissant aucun survivant.

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